Le Président de l’ASN est audité par la Commission des affaires économiques du Sénat

J’ai écouté cette audition, que j’ai trouvée très intéressante. Il me semble que la qualité des échanges est de nature à imaginer la possibilité d’une prise de décision rationnelle et efficace, même si je me dis qu’il en faudrait 10 fois plus. Mais je montre par là que je suis résolument optimiste.

Sur le site du Sénat

Audition précédente en 2018 pour le poste de Président de l’ASN, il y a 3 ans.

4 questions posées par Sophie PRIMAS, Présidente de la Commission des affaires économiques :

  1. Prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires. 32 réacteurs de 900 atteignent leurs 40 ans. Prolongation prononcée par l’ASN le 23.02.2021
  2. Chantier EPR de Flamanville. Une condition pour engager de nouveaux EPR. La date de 2022 est-elle tenable ?
  3. Le programme d’arrêt en cours, qui pèse sur l’appro en élec + la situation financière de EDF
  4. La déconstruction des réacteurs, pour respecter l’objectif de 50% en 2035, qui oblige à l’arrêt de 14 réacteurs

Répond avec Olivier GUPTA, DG de l’ASN

Réponse sur la question 1 – prolongement

A la conception, on a pris des hypothèses de 40 ans pour certains éléments clefs : tels la cuve

Donc le dépassement de 40 ans est sensible,

y compris pour les pays riverains qui sont généralement hostiles à la prolongation (Allemagne, Suisse, Luxembourg). Des prolongations ont été prononcées : Suède, UK, Suisse et aussi US

Ce prolongement de 10 ans est un investissement très rentable.

Les améliorations de la sûreté décidées les 23 .02.21 :

  1. Les dispositions rendront les réacteurs plus robustes : agression interne, inondation, manque d’eau
  2. La sûreté des piscines
  3. Limitation du risque de fusion du cœur

Deux points de vigilance :

  1. La capacité industrielle à réaliser. Grosse charge, notamment pour la mécanique x6 (yc la soudure), et l’ingénierie, mais aussi génie civil ou C&C x 3.
    Dû au COVID, certains prestataires sont impliqués dans d’autres secteurs en situation difficile (aéronautique) + des acteurs qui quittent le secteur
  2. La réduction des marges et décisions sur le long terme
    La tension vécue cet hiver est confirmée, comme l’a indiqué le Pdt de RTE. Il faut prendre des discussions pour reconstituer ces marges, à CT et à LT (2035-2040, quand les réacteurs seront entre 50 et 60 ans)
    Or il ne faut pas que l’urgence de reconstituer des marges amène à arbitrer contre la sûreté nucléaire.
    Si les prévisions ne sont pas au rdv en 2035, tant en nouvelles capacités qu’en maîtrise de l’énergie, il faudra se poser la question de maintenir au-delà de 60 ans les réacteurs. Or il faut anticiper cette question avant 2035.
    Or la tenue des cuves n’est pas garantie : On n’a pas de visibilité au-delà de 50 ans : on a des éléments pour dire que certains réacteurs ne peuvent pas aller bien au-delà de 50 ans.
    Rappel : Lancer un projet nucléaire, ca prend 15 ans.

Réponse que la question 2 – EPR de Flamanville

Décision prise en Juin 2019 d’imposer la réparation de certaines soudures

Le programme d’essais comprend un millier de tests, et il est presque achevé.

Il a montré des modifications lourdes à réaliser

En Octobre 2020, le combustible neuf a été livré et entreposé dans la piscine de l’EPR

Le retour d’expérience des EPR en Chine et l’achèvement de la Finlande amène des modifications (corrosion sous tension de tiges de soupapes)

Le sujet le plus important (et le plus médiatisé) reste celui des soudures.

Cela concerne une 100-aine de soudures sur le circuit secondaire, dont la moitié sera justifiée et le reste à reprendre.

Les réparations ont démarré, et elles sont sur le chemin critique.

Une 10-aine de soudures du circuit secondaire se sont très bien passées, et réussies du premier coup.
Les autres seront gérées par paquet de 10

Les 8 soudures les plus compliquées, avec un robot, sont également en réparation

Une nouvelle non-conformité découverte récemment, sur le circuit primaire

Les piquages sont plus grands que ce qui avait été conçue : 500 au lieu de 150.

Donc la rupture de la soudure n’a pas été couverte par le scénario de sûreté. La démarche d’exclusion de rupture ne peut pas être appliquée.

La stratégie de traitement est en cours de discussion. L’ASN prendra position cet été.

Réponse que la question 3 – Le programme d’arrêt

Le COVID a un impact, et tout est lié pour les 56 réacteurs.

Les choses sont relativement maîtrisées (la reprogrammation)

EDF ou ORANO ont des résultats de sûreté plutôt meilleurs, et il est probable que la situation de crise a entraîné une meilleure attention du management + attention sur le chantier + les délais ont été moins forts
donc plus de sérénité et de présence terrain : EDF va expertiser cela.

Réponse que la question 4 – Le démantèlement

Entre aujourd’hui et 235 ,15 réacteurs arrivent à l’échéance des 50 ans

EDF a annoncé choisir d’arrêter les 7 sites à 4 réacteurs sur lesquels il va en arrêter 2 sur 4

Fessenheim. Le plan de démantèlement sera validé en 2024.
Les performances du site ont toujours été parmi les meilleures, et les équipes se mobilisent de façon optimale

Daniel GREMILLET pose 4 questions

  1. Perspectives du nucléaire dans le mix. En attente de la loi de programmation de 2023. Une étude à 100% renouvelables. EDF a proposé 3 couples d’EPR.
    Quid si on coupe
  2. Flamanville. Jean-martin FOLZ a imputé les problèmes à « une perte de compétence ». Chine en 2018, et Okiluoto en 2019 OK : pourquoi de tels problèmes en France ?
  3. Gestion des déchets. Avis sur les charges provisionnées. Comment dynamiser la Commission Nationale pour le démantèlement
  4. Déchets nucléaires. Quid de SIGEO ?
    Que pensez-vous de l’ambition de la fermeture du cycle : l’arrêt de ASTRID n’est-il pas regrettable ?

Réponse que la question 1 – Evolution du nucléaire

Le débat est ouvert sur le 100% renouvelables.

Le choix doit être robuste et valider le choix d’électricité pilotable, qui ne conduise pas à mettre en question l’obligation de sûreté.

Les EPR2 (3 couples). L’ASN s’est prononcée sur cette nouvelle conception avec un avis positif global, mais un point soulevé : L’hypothèse d’exclusion de rupture est encore un discussion depuis lors, et aboutira avant l’été.

11:51. Les SMR présentent sur le papier des avancées très significatives en terme de sûreté ? Un EPR2 ne va pas plus loin, mais le SMR si. Il n’y a pas de risque de rejet de produit radioactif à l’extérieur.

Le projet en France n’est pas suffisamment avancé. Le Gouvernement doit regarder, car elle présente des avantages supérieurs à l’EPR2.

Réponse que la question 2 – Perte de compétence

Perte d’expérience. Pas de projet nucléaire pendant 10 ans

Perte de compétence. Dans un contexte d’affaiblissement industriel de la France. Les soudeurs sont allemands, tchèques et croates.

On peut retrouver cette compétence, en profitant de l’opportunité des travaux à CT.

Sur Flamanville : Problème de gestion de projet. Le plan Excel de EDF pour renforcer les projets est intéressant. Le GIFEN est encourageant.

La requalification de matière en déchet

Une matière peut être revalorisée, et pas le déchet.

Tous les exploitants font preuve de grande créativité pour qualifier en matière, ce qui leur permet de repousser la requalification en déchet

Aucune filière de traitement des déchets ne sera opérationnelle dans 20 ans si les décisions ne sont pas prises dans les 5 ans qui viennent.

Il y a eu beaucoup d’études mais pas de décision

  • Déchets TFA, les moins radioactifs et plus gros volume, on n’a pas d’autre solution au-delà de 2028
  • Déchets FAVL – Faiblement radioactif mais à vie longue.
  • Déchets HAVL – Le projet SIGEO demeure controversé et là encore, la décision n’est pas prise.

Déficit en France de la culture de précaution, et de l’anticipation.

Nombreuses questions de plusieurs sénateurs : ARTIGALAS Viviane, BOULOUX Yves, GAY Fabien, LOISIER Anne-Catherine, LOUAULT Pierre, MOGA Jean-Pierre, MONTAUGÉ Franck, REDON-SARRAZY Christian, RENAUD-GARABEDIAN Évelyne, TISSOT Jean-Claude

12:11 – Question sur ENDEL, privatisé

Question sur la fuite de données concernant l’EPR de Flamanville que GreenPeace a signalée le 06.12.20

Les réponses :

  • Un accident est toujours possible. C’est le premier enseignement de Fukushima. Il faut travailler notre culture de la sûreté.
  • Il y avait un besoin de reconcevoir la sécurité des sites (pas des réacteurs) : perte de source froide, perte d’alim électrique
  • La gestion post-accidentelle. La culture de la précaution post-accident notamment
  • Concernant les question sur la politique énergétique, il faut faire attention à privilégier le pilotage
    Un choix audacieux serait le SMR, à 12:28
    Le coût du SMR serait de 120, versus le coût visé de l’EPR2 qui est de 80
    EDF vise à l’export et pas en France, alors que ca pourrait diminuer les coûts car fabriqué en usine
  • Un groupe rassemble les 4 qui ont de l’EPR (UK, Fr, Chine, Fin)
    Attention : le niveau de sûreté est identique.
  • Capacité à faire : Oui.
    Mais ca se planifie
  • Les restructurations pourraient-elles fragiliser 12:32:10 ?
    Il faut des perspectives, et la période d’incertitude actuelle est néfaste
  • Le projet HERCULE
    Ma mission est d’évaluer les capacités financières et techniques, qui doivent être présentes
    On peut penser que l’entreprise privée est soumise à des pressions
    mais si l’Etat n’a pas les moyens de financer, ca peut être mauvais également
  • La sous-traitance
    Il faut que les entreprises puissent vivre de leur activité
    Attention à la politique des grands groupes qui peuvent avoir un rapport de force trop favorable
  • C’est le Haut fonctionnaire du Ministère de l’Ecologie qui est responsable de la Sécurité
    Ailleurs, c’est l’Agence de la Sûreté qui est en charge de la sécurité, mais pas en France
  • Valorisation des déchets métalliques TFA.
  • Le dépôt de demande de création sera fait fin-2021 – début 2022
    Il faudra ensuite 2 ou 3 ans pour l’instruire
  • Créer une filière qui exporte ?
    Plutôt des marchés nationaux
    mais on peut avoir des niches (robots ?)
  • Incendies ?
    1 départ de feu par réacteur et par an
  • Les autorités de sûreté nucléaire se réunissent dans un cadre spontané pour établir des règles communes
    de niveaux de référence de sûreté ont été définis, et il y a convergence, au moins à l’échelle européenne
    Il y a des différences avec les USA