Allemagne: le véritable coût de la sortie du nucléaire – Journal de l’environnement

Allemagne: le véritable coût de la sortie du nucléaire

Le 14 octobre 2011 par Gwénaëlle Deboutte

Energie, Droits/Fiscalité Energie, Politique & Société, Politique

La centrale de Kalkar a déjà été transformée en parc d'attraction.

Démantèlement des centrales, investissements dans les énergies renouvelables et le réseau, compensation des émissions de CO2… la sortie du nucléaire va coûter cher aux Allemands. Plusieurs instituts se sont penchés sur l’addition.

Question sensible que celle des coûts de la sortie du nucléaire. Car si tous les paramètres montrent qu’elle est techniquement réalisable –développement des énergies renouvelables, maîtrise des émissions de CO2–, il faudra bien financer le déploiement de ces nouvelles technologies. C’est pourquoi, face à la question, le ministère de l’environnement préfère tempérer: «Personne n’est en mesure de dire aujourd’hui comment va évoluer le prix de l’électricité dans les trois ou quatre prochaines années».

Pourtant, de nombreux organismes ont déjà fait les comptes. Et ils sont tous d’accord: la sortie du nucléaire conduira à une augmentation du prix du kilowattheurs. La KfW, l'équivalent allemand de la caisse des dépôts, estime par exemple la facture à près de 250 milliards d'euros. Ce chiffre prend en compte plusieurs éléments: les investissements nécessaires à la réalisation de nouvelles capacités de production, le développement des énergies renouvelables, dont le développement est largement subventionné, l'augmentation des importations d'électricité, le démantèlement des installations existantes… Sur ces mêmes critères, l’agence pour l’environnement (Dena), a également fait ses calculs: elle estime que le prix au kWh augmentera de 4 à 5 centimes (2 ct pour les énergies renouvelables, 1 ct pour le réseau, 1,5 ct pour les énergies fossiles, le reste pour les installations de stockage), ce qui représente pour le consommateur privé une augmentation de 20% de sa facture.

Mais il existe aussi d’importants facteurs d’incertitude, à commencer par le prix des énergies fossiles et des quotas d’émission dans le futur. Des arguments en faveur d’un déploiement rapide des énergies renouvelables, afin de s’affranchir au plus vite des énergies fossiles. C’est pourquoi Hubertus Bardt, de l’Institut de l’économie à Cologne, préfère parler de fourchette. «La facture est difficile à estimer. Les chiffres souvent évoqués vont de 100 à 335 Md€. Pour moi, 100 Md€ est un chiffre sous-estimé. Pour le seul subventionnement de l’énergie solaire, nous en sommes à 80 Md€. 335 Md€ serait plus réaliste». Il poursuit: «A court terme, nous estimons que l’arrêt des 8 centrales nucléaires a conduit à une hausse de 1 centime le kWh». De son côté, l’Institut pour la recherche sur le climat de Potsdam (PIK) évoque également une hausse des prix pour le consommateur: le prix sur le marché spot pourrait se trouver autour de 5,9 ct/kWh en 2015, à comparer avec les 5 ct/kWh payés début 2011.

Mais la véritable inconnue résidera dans la capacité d’acceptation du citoyen allemand. En effet, de nombreux experts estiment que la population, farouchement opposée à l’énergie nucléaire, devrait accepter d’autant plus facilement ce prix à payer qu’il participe à la fin définitive de l’atome. Reste à voir si cela va se passer comme ça. La manœuvre s’annonce serrée pour les prochaines années.

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ENR: la France en infraction avec la législation européenne – Journal de l’environnement

ENR: la France en infraction avec la législation européenne

Le 24 novembre 2011 par Stéphanie Senet

Energie renouvelables, Droits/Fiscalité Energie

La Commission européenne a épinglé, aujourd’hui 24 novembre, la France et la République tchèque. Motif: non-respect de la directive de 2009 sur la promotion des énergies renouvelables (ENR).

Le délai est bel et bien dépassé. Les Etats membres avaient jusqu’au 5 décembre 2010 pour transposer la directive européenne sur la promotion des ENR dans leur législation nationale (1). «Ni la France, ni la République tchèque n’ont encore informé la Commission qu’elles avaient désormais entièrement transposé la directive dans leur droit national», affirme un communiqué de l’UE.

La Commission a notamment relevé un retard français et tchèque par rapport à l’accès au réseau. Elle estime qu’aucune «procédure administrative transparente et claire n’a été mise en place pour garantir l’accès des ENR au réseau».

Autre point noir: les critères de durabilité pour les biocarburants. Les deux pays n’ont pris aucune mesure en ce sens alors que la directive de 2009 prévoit que seuls les biocarburants dont la production est conforme à ces critères peuvent être comptabilisés dans la production d’ENR. L’objectif, rappelons-le, est de porter cette production à 20% de la consommation énergétique à l’horizon 2020.

La France et la République tchèque ont deux mois pour se conformer à leurs obligations. Ensuite, la Commission pourra saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

(1) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:140:0016:0062:fr:PDF

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Suez-Gaz de France : et si la solution était du côté de la demande

A propos de la fusion Suez-GDF, il est question de la sécurité de nos approvisionnements en énergie. C’est un sujet stratégique : en dehors de l’hydro- électricité et des autres énergies renouvelables, y compris des potentiels importants sur les biocarburants, la France n’a plus sur son sol de ressources énergétiques. Elle doit équilibrer ses dépendances à l’égard de ses grands fournisseurs et, globalement, assurer aussi solidement que possible la concordance entre les fournitures et les besoins à lointaine échéance.

Mais qu’en est-il de ces « besoins » ? On les évalue systématiquement en hausse, à partir de projections de taux de croissance. L’idée est établie que, demain, il nous faudra plus de pétrole, plus de gaz, plus d’uranium, un plus large appel aux énergies renouvelables, pour répondre à la demande d’électricité des particuliers, des services, de l’industrie et de l’agriculture, pour le chauffage et la climatisation des immeubles, pour les transports.

Pourrait-on réduire sensiblement cette demande ? Tous les discours sur ces sujets commencent par un coup de chapeau aux économies d’énergie. Et on souligne que cet objectif rejoint la question des émissions de gaz à effet de serre. Des dispositions récentes, propres à la France ou transposant des directives européennes, ont manifesté une préoccupation en ce sens : incitations à l’achat d’équipements à basse consommation énergétique, affichage par le secteur automobile des émissions de CO2, encouragements fiscaux à l’utilisation des énergies renouvelables, etc. La loi sur l’énergie de 2005 a fixé un objectif ambitieux de baisse de nos émissions de carbone à dix ans. Malgré ses moyens réduits depuis quelques années, l’Ademe développe des campagnes et des projets pertinents. Mais ces incitations demeurent assorties de peu de moyens. Si on a un objectif à terme, la trajectoire est incertaine. Il n’est pas affiché de correction significative des prévisions globales de consommation à échéance de vingt ou trente ans. Les « besoins » pour lesquels la France cherche à sécuriser ses approvisionnements restent ceux de scénarios tendanciels.

Il est possible de changer sérieusement cette donne et de réduire, à échéance de vingt ans, notre consommation énergétique de l’ordre de 25 à 30 %. Une étude convaincante publiée récemment par la Chambre de commerce de Paris, sur un rapport de Christian Balmes, président de Shell-France, met en particulier l’accent sur les considérables gisements d’économie d’énergie dans les domaines du résidentiel, du tertiaire et des transports. Notre pays a ici des références : lors du premier choc pétrolier, c’est-à-dire à partir de 1974, une très vigoureuse politique de maîtrise de l’énergie a permis de « découpler » la croissance (qui était de l’ordre de 4 % par an) et la consommation d’énergie (qui a été stabilisée sur une période de dix ans). Magnifique résultat, obtenu par des incitations législatives, réglementaires, fiscales et financières, une grande attention portée à la formation des professionnels, une vraie politique d’isolation des logements, etc. Et une mobilisation des Français à travers des campagnes restées fameuses telles que « La chasse au gaspi »… Mais ce fut un feu de paille : les consommations d’énergie devaient remonter à nouveau dans les années 1980 et 1990.

Une nouvelle mobilisation générale est possible. Elle nécessite une volonté affirmée, c’est-à-dire une grande politique, qui surmonte les oppositions bien connues – depuis les producteurs d’électricité qui ont tout d’un coup découvert qu’il fallait investir à nouveau dans la production, jusqu’aux importateurs de 4×4, sans oublier ces campagnes publicitaires nous incitant à toujours consommer plus. Les marges de réduction de la consommation, tant d’électricité que de produits pétroliers, sont importantes, avec des temps de retour sur investissement parfois très courts, donc avec des coûts négatifs sur moyenne période. Isoler les immeubles, poser des doubles vitrages, renouveler les équipements d’éclairage ou de chauffage, mieux concevoir les constructions neuves afin de limiter la climatisation, accélérer la production de voitures hybrides, donner une priorité plus radicale aux transports en commun – autant de pistes pour lesquelles on peut faire un triple constat : la France est en retard ; de telles actions créeront beaucoup plus d’emplois que la construction de nouvelles centrales nucléaires ; mieux que toute autre solution, elles permettront à notre pays de contribuer à la protection du climat.

Surtout, cette grande politique de la demande réduira notre consommation, et donc nos appels à l’importation, de manière spectaculaire. Les travaux du Plan en 2002 avaient estimé que le scénario dit « S3 », à basse consommation, ramenait la demande finale de la France en 2020 à 151 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep), contre 195 Mtep en scénario tendanciel avec une hypothèse de croissance annuelle de 2,3 % et en évitant bien entendu toute dégradation de nos modes de vie. Ceci représente une économie de 23 %, qu’on peut estimer à plus de 30 % en 2030 si on prolonge les efforts, comme le fait le récent Livre vert de la Commission européenne. Ce chiffre considérable peut s’appliquer à nos besoins en diverses sources d’énergie, et au premier chef à nos importations de pétrole et de gaz. La donne est effectivement changée.

Face aux menaces de pénurie ou de la flambée des prix, le « desserrement des contraintes » ne saurait être recherché seulement par la sécurité des approvisionnements – et, accessoirement, par le nécessaire développement des énergies renouvelables. La maîtrise des consommations peut contribuer fortement à une moindre dépendance énergétique. Ce devrait être un volet majeur de la politique communautaire de l’énergie dont l’Europe a besoin.

Une action sur la demande aura d’autres vertus. Elle réduira le coût de nos importations énergétiques à des hauteurs qu’avec un baril à 50 dollars on peut estimer entre 3 et 5 mds de dollars par an. Elle ouvrira la voie à une économie globalement plus performante. Elle sera un pas vers des modes de consommation et de production plus sobres, en ligne avec le développement durable. Elle signifiera une participation plus large des citoyens, et non des seuls producteurs et distributeurs, à la solution d’un grand problème national et européen.

ROBERT LION est président d’Agrisud International, membre du Conseil national du développement durable.